Méthodologie de la dissertation

analyse du sujet "Etre libre, est-ce faire ce qui nous plaît ?"
Publié le 4 octobre 2009, mise à jour le 6 septembre 2010
par vventresque
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(document à compléter)

Structure logique : présentation graphique

- Voici un schéma qui présente la logique de la dissertation.

Dissertation : définition succincte

- Une dissertation est un cheminement de pensée qui pose et résout un problème philosophique.

- La méthode suivie est dialectique, i.e. passe par l’examen de chaque thèse et de leurs contradictions, pour dégager l’origine du malentendu.

- La problématique est le cheminement suivi pour répondre au problème (n.b. : en grec, méthode signifie chemin, voie) : elle montre une progression dans l’analyse des contradictions, et part du plus vague, du flou pour s’approcher au plus près de la précision, netteté. On conduit l’esprit du lecteur de la confusion à la distinction.

- Cet examen, s’il relève du dialogue, n’est en aucun cas un débat du type émission télé ou conversation de comptoir. Il s’agit de parfaire l’art de la discussion, et d’apprendre à remettre en cause des opinions. On s’efforce de produire un langage clair et distinct, de définir les termes employés ; contrairement à la conversation courante, le dialogue doit avancer, au moins d’un point de vue sémantique (on précise les termes employés au fur et à mesure).

- Il faut noter que cet exercice n’est ni une simple analyse logique ou sémantique d’une question, ni un simple exercice d’expression. C’est un travail de réflexion critique, où l’on examine le bien-fondé d’affirmations qui peuvent avoir des enjeux dramatiques. Il est important de comprendre que l’on vous demande de rendre compte de la valeur de thèses qui peuvent avoir de lourdes conséquences. Il s’agit de bien faire sentir dans la dissertation que l’on s’intéresse à des enjeux cruciaux : on ne se pose pas artificiellement des questions rhétoriques, la réflexion est nécessaire, elle est suscitée par des difficultés souvent brûlantes (ce qu’on appelle aussi de façon un peu vague des "questions existentielles").

- En outre, vous devez être capable de donner du sens et de la force à chacune des thèses possibles, de les traiter équitablement, sans a priori. Il s’agit de mesurer la part de vérité de chaque thèse, de savoir à quelles conditions elle est valable. Cependant, cela ne doit pas pour autant vous conduire à une conclusion du type "à chacun son goût", "c’est mon choix", « chacun pense ce qu’il veut ». Cette position s’appelle le relativisme, et tend à dire que tout se vaut : cela revient à dire que la vérité n’existe pas. La dissertation doit vous conduire à montrer que justement que les thèses examinées ne se valent pas ; et même si aucune n’a de valeur absolue, certaines sont souvent plus naïves que d’autres, ou leurs implications (présupposés ou conséquences) sont différentes.

Problème : définition succincte

- Il est primordial de distinguer le sujet et le problème. A la différence d’un exercice de maths, ici le sujet n’est pas directement un problème, une vraie question. Le sujet formule une interrogation qui s’avère poser problème lorsque l’on y regarde à deux fois. Une simple interrogation, elle, ne pose pas de difficulté, elle appelle une réponse facile à connaître. Au contraire, le problème plonge l’esprit dans la confusion. On est vite embarrassé pour choisir une réponse. Le problème est le véritable nœud de la dissertation. Toutes les interrogations que l’on peut formuler à partir de l’énoncé du sujet se rejoignent à ce nœud.

- Lorsque l’on a posé le problème, i.e. au terme de l’analyse du sujet, on se rend compte que le conflit entre les thèses est le plus souvent un dialogue de sourds, un malentendu. En effet, chacune des réponses donnée à l’interrogation de départ (le sujet) est une interprétation partielle et partiale de la question. Le problème est toujours lié à une ambiguïté. On peut le formuler comme une alternative - dilemme (comment éviter deux extrêmes). On le résout au moyen de distinctions conceptuelles.Si l’on veut une illustration, on peut prendre comme métaphore les "objets ambigus" : on peut voir au moins deux objets en une seule figure, comme ce célèbre "canardlapin" :

Distinction conceptuelle et dialectique : méthode de résolution

- Si les avis divergent à partir de la même question, c’est que coexistent deux manières de la comprendre, et que cette question cache une équivoque, un élément inconnu. La résolution du conflit consiste d’abord à départager les positions, en leur attribuant une signification bien distincte l’une de l’autre. L’examen des concepts distingués et de leurs contradictions s’appelle la dialectique. On dégage les conditions de validité d’une thèse, exactement comme on détermine le « domaine de définition » d’une fonction mathématique pour pouvoir l’étudier. Ici, on distinguera aisément la liberté comme indépendance (a) ou autonomie (b).

    • (a) Si on conçoit la liberté comme une indépendance (absence de contrainte), alors on peut répondre oui : être libre c’est ne pas être empêché de réaliser nos envies, c’est faire ce qui nous plaît.
    • (b) Si au contraire on conçoit la liberté comme autonomie (choix de l’obligation), alors on peut répondre non : ce qui fait notre condition d’être humain raisonnable, responsable, c’est notre capacité à dominer nos envies immédiates plutôt que d’y céder. Être libre c’est savoir faire un effort de volonté.

- Nous voyons que deux thèses opposées ne sont pas complètement incompatibles, mais peuvent être conçues comme des points de vue complémentaires. Telles que nous venons de les définir, elles sont très différentes puisque l’une suppose l’absence d’une limite, l’autre consiste au contraire à limiter le plaisir.

La conciliation : le tribunal de la raison

- Mais alors pourquoi ces deux conceptions de la liberté peuvent-elles être confondues ? C’est que l’indépendance et l’autonomie se rejoignent sur une hypothèse commune : pour être libre il faut pouvoir faire un choix.

- Résoudre le problème complètement, c’est montrer que les deux thèses butent sur une difficulté commune, et dépasser cette difficulté au moyen d’une troisième conception.

- On montre ici dans une troisième partie que le libre-arbitre est supposé aussi bien par l’indépendance que par l’autonomie ; que la véritable liberté ne réside pas dans le choix mais dans la connaissance de la nécessité. On peut alors dégager les conditions d’un plaisir libre et raisonnable (un plaisir qui nous apprend sur nous-même et ne consiste pas à céder à la facilité => voir étude du texte de Spinoza, éléments de synthèse).

Introduction

- Le sujet n’est pas le problème, le but de l’introduction est de formuler le problème.

- Le plus simple est de partir d’un paradoxe, pour montrer rapidement que le sujet cache un dilemme (choix apparemment obligatoire entre des solutions également inacceptables ; alternative impossible). Je déconseille de définir les termes (le choix des définitions est difficile, il faut être très sûr de son vocabulaire ; le but de la dissertation est de construire des définitions par des analyses progressives.)

    • Exemple d’introduction :

Quelqu’un qui ne pourrait jamais faire ce qui lui plaît, c’est ce que l’on appelle un esclave ou un prisonnier. Il est évident que la liberté peut être comprise comme la satisfaction d’un désir.

Mais suffit-il de réaliser un désir pour être libre ? Par exemple, lorsque je veux me venger, je suis prisonnier d’une colère qui me dépasse. Etre libre supposerait alors de dominer nos désirs.

Mais à quoi servirait une liberté qui ne nous permettrait pas de nous faire plaisir ? La liberté consiste-t-elle dans la capacité de suivre nos envies ou au contraire dans l’effort pour agir raisonnablement ?

Pour résoudre ce dilemme, il faut nous demander : à quelles conditions le plaisir éprouvé à satisfaire un désir prouve-t-il que nous sommes libre ?

Le développement

- Il s’agit de montrer en quoi chaque thèse est défendable (une thèse par partie), puis de les concilier (dernière partie).

- L’argumentation doit progresser des raisons les plus immédiates vers les raisons les plus profondes.

- Après avoir exposé les arguments de la thèse, on dégage ses limites, avant de passer à l’exposé d’une autre thèse ou à la dernière partie. L’analyse des limites permet de faire une transition.

- La dernière partie montre comment dépasser l’alternative entre les deux thèses. C’est le moment de rappeler les concepts supposés par chaque thèse, et de montrer la complémentarité de s deux points de vue.

La conclusion :

- Elle rappelle les résultats essentiels de l’analyse conceptuelle, résume le chemin parcouru depuis le dilemme jusqu’à la conciliation.


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