"Le doute conduit-il à la prudence ?" bibliographie

Publié le 4 octobre 2009, mise à jour le 10 octobre 2009
par vventresque
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 Articles connexes (même(s) mot(s)-clé(s)

:. Méthodologie de la dissertation
:. Est-il raisonnable de désirer le bonheur ?
:. "Le doute conduit-il à la prudence ?" : ébauche de corrigé
:. Merleau-Ponty, Causeries : synthèse
:. Croire ou savoir, faut-il choisir ?

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- Voici quelques références pour vous aider à développer votre réflexion.

Ogg Vorbis - 1.8 Mo
R. Devos, "l’accident assuré"

rions un peu (humour suranné)

Platon Apologie de Socrate.

Mais, Socrate, que fais-tu donc ? Et d’où viennent ces calomnies que l’on a répandues contre toi ? Car si tu ne faisais rien de plus ou autrement que les autres, on n’aurait jamais tant parlé de toi. Dis-nous donc ce que c’est, afin que nous ne portions pas un jugement téméraire. 20d Rien de plus juste assurément qu’un pareil langage ; et je vais tâcher de vous expliquer ce qui m’a fait tant de réputation et tant d’ennemis. Écoutez-moi ; quelques-uns de vous croiront peut-être que je ne parle pas sérieusement ; mais soyez bien persuadés que je ne vous dirai que la vérité. En effet, Athéniens, la réputation que j’ai acquise vient d’une certaine sagesse qui est en moi. Quelle est cette sagesse ? C’est peut-être une sagesse purement humaine ; et je cours grand risque de n’être sage que de celle-là, tandis que les hommes dont je viens de vous parler 20e sont sages d’une sagesse bien plus qu’humaine. Je n’ai rien à vous dire de cette sagesse supérieure, car je ne l’ai point ; et qui le prétend en impose et veut me calomnier. Mais je vous conjure, Athéniens, de ne pas vous émouvoir, si ce que je vais vous dire vous paraît d’une arrogance extrême ; car je ne vous dirai rien qui vienne de moi, et je ferai parler devant vous une autorité digne de votre confiance ; je vous donnerai de ma sagesse un témoin qui vous dira si elle est, et quelle elle est ; et ce témoin c’est le dieu de Delphes. Vous connaissez tous 21a Chéréphon, c’était mon ami d’enfance ; il l’était aussi de la plupart d’entre vous ; il fut exilé avec vous, et revint avec vous. Vous savez donc quel homme c’était que Chéréphon, et quelle ardeur il mettait dans tout ce qu’il entreprenait. Un jour, étant allé à Delphes, il eut la hardiesse de demander à l’oracle (et je vous prie encore une fois de ne pas vous émouvoir de ce que je vais dire) ; il lui demanda s’il y avait au monde un homme plus sage que moi : la Pythie lui répondit qu’il n’y en avait aucun. A défaut de Chéréphon, qui est mort, son frère, qui est ici, 21b pourra vous le certifier. Considérez bien, Athéniens, pourquoi je vous dis toutes ces choses, c’est uniquement pour vous faire voir d’où viennent les bruits qu’on a fait courir contre moi. Quand je sus la réponse de l’oracle, je me dis en moi-même : que veut dire le dieu ? Quel sens cachent ses paroles ? Car je sais bien qu’il n’y a en moi aucune sagesse, ni petite ni grande ; Que veut-il donc dire, en me déclarant le plus sage des hommes ? Car enfin il ne ment point ; un dieu ne saurait mentir. Je fus longtemps dans une extrême perplexité sur le sens de l’oracle, jusqu’à ce qu’enfin, après bien des incertitudes, je pris le parti que vous allez entendre pour 21c connaître l’intention du dieu. J’allai chez un de nos concitoyens, qui passe pour un des plus sages de la ville ; et j’espérais que là, mieux qu’ailleurs, je pourrais confondre l’oracle, et lui dire : tu as déclaré que je suis le plus sage des hommes, et celui-ci est plus sage que moi. Examinant donc cet homme, dont je n’ai que faire de vous dire le nom, il suffit que c’était un de nos plus grands politiques, et m’entretenant avec lui, je trouvai qu’il passait pour sage aux yeux de tout le monde, surtout aux siens, et qu’il ne l’était point. Après cette découverte, je m’efforçai de lui faire voir qu’il n’était nullement ce qu’il croyait être ; et voilà déjà ce qui me rendit odieux 21d à cet homme et à tous ses amis, qui assistaient à notre conversation. Quand je l’eus quitté, je raisonnai ainsi en moi-même : je suis plus sage que cet homme. Il peut bien se faire que ni lui ni moi ne sachions rien de fort merveilleux ; mais il y a cette différence que lui, il croit savoir, quoiqu’il ne sache rien ; et que moi, si je me sais rien, je ne crois pas non plus savoir. Il me semble donc qu’en cela du moins je suis un peu plus sage, que je ne crois pas savoir 21e ce que je ne sais point. De là, j’allai chez un autre, qui passait encore pour plus sage que le premier ; je trouvai la même chose, et je me fis là de nouveaux ennemis.

Montaigne Essais.


- I, 56 : L’ignorance pure, et remise toute en autruy, estoit bien plus salutaire et plus sçavante, que n’est cette science verbale, et vaine, nourrice de presomption et de temerité.
- II, 10 : De cecy suis-je tenu de respondre, si je m’empesche moy-mesme, s’il y a de la vanité et vice en mes discours, que je ne sente point, ou que je ne soye capable de sentir en me le representant. Car il eschappe souvent des fautes à nos yeux : mais la maladie du jugement consiste à ne les pouvoir appercevoir, lors qu’un autre nous les descouvre. La science et la verité peuvent loger chez nous sans jugement, et le jugement y peut aussi estre sans elles : voire la reconnoissance de l’ignorance est l’un des plus beaux et plus seurs tesmoignages de jugement que je trouve.

Aristote Ethique à Nicomaque VI, 5

Quant à la prudence, on peut s’en faire l’idée, en considérant quels sont ceux que l’on appelle prudents : or, il semble que ce qui caractérise l’homme prudent, c’est la faculté de délibérer avec succès sur les choses qui lui sont bonnes et avantageuses, non pas sous quelques rapports particuliers, comme celui de la santé ou de la force, mais qui peuvent contribuer, en général, au bonheur de sa vie. Ce qui le prouve, c’est qu’on appelle prudents, ou avisés, dans tel ou tel genre, ceux qu’un raisonnement exact conduit à quelque fin estimable, clans les choses où l’art ne saurait s’appliquer ; en sorte que l’homme prudent serait, en général, celui qui est capable de délibérer. Or, personne ne délibère sur ce qui ne saurait être autrement, ni sur ce dont l’exécution n’est pas en sou pouvoir. Par conséquent, si la science est toujours susceptible de démonstration, et si l’on ne démontre pas les choses dont les principes pourraient être autres qu’ils ne sont (et toute choses pourraient être autrement) ; 1140b en, un mot, s’il est impossible de délibérer sur les choses qui ont une existence nécessaire, il s’ensuit que la prudence n’est ni une science, ni un art. Elle n’est pas une science, parce que tout ce qui peut être fait ou exécuté, peut être autrement c’est-dire, est contingent ; elle n’est pas un art, parce que ce dont les résultats n’ont rien de matériel est autre chose que ce qu’on appelle production, ou création (11). Il reste donc qu’il faut la considérer comme une habitude de théorie ou de contemplation, accompagnée de raison, dans les choses qui sont bonnes ou nuisibles à l’homme : car la fin de l’exécution est autre chose que celle de la théorie ; mais celle de la théorie n’est pas toujours autre chose que celle de l’exécution, puisque la pratique du bien ou le bonheur est elle-même une fin.


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